Le Greffier Noir, enquêtes et faits divers.

Le Greffier Noir, enquêtes et faits divers.

Interview de Thierry Meyssan par le Greffier Noir : « Le principal apport de la Citizen Investigation Team est d'avoir reconstitué le trajet du vol AA77 »

 
     

L'effroyable mensonge, Guillaume Dasquié.

 Si nous devions parodier l'auteur de "L'Effroyable Mensonge", nous écririons que Guillaume Dasquié est plus à plaindre qu'à blâmer.Voilà sans doute le premier écrivain de langue française dont le titre de l'oeuvre la qualifie en même temps.
Thierry Meyssan a accepté de répondre aux questions du Greffier Noir. Une interview qui éclaire d'un jour nouveau les méthodes et recettes de fabrication d'un ouvrage considéré comme la "réfutation définitive" des travaux critiques sur l'attentat du Pentagone.





Kropotkine et Ikky : Nous avons récemment adressé une Lettre ouverte à Guillaume Dasquié coauteur  avec Jean Guisnel, de L'Effroyable mensonge. À notre agréable surprise, vous avez réagi très rapidement à cette publication, pourquoi ?

Thierry Meyssan : Vous avez été le premier à publier une recension critique de cet ouvrage. Jusqu'ici ce livre était cité comme une réfutation définitive de mes travaux, sans que personne ne s'interroge sur la pertinence de sa démonstration. Sa publication, en juin 2002, a été un soulagement pour la corporation des journalistes : son existence suffisait à affirmer qu'ils avaient tous bien fait leur travail à propos des attentats du 11 Septembre et qu'ils n'avaient donc aucune enquête à faire, ni aucune remise en question de leurs méthodes à opérer. Le livre a été brandi à la tribune de divers colloques professionnels où l'on s'est congratulé pour célébrer la lucidité retrouvée de la presse trois ans après les intox massives de la guerre du Kosovo, mais personne ne l'a lu.


Sept ans plus tard, les préoccupations sont différentes. Pour déverrouiller la parole, il peut être utile de revenir en arrière pour comprendre pourquoi, qui et comment a faussé le débat public sur le 11 Septembre.

 



K. et I. : L'Effroyable mensonge est une référence sur l'affaire du Pentagone. Pouvez-vous nous éclairer sur les motivations, les démarches et les méthodes des  auteurs de ce livre ?

T.M. : Cet ouvrage n'est pas une contre-enquête, mais un pamphlet. Il n'a pas été écrit spontanément, mais répond à une commande. La réfutation de la question du Pentagone est expédiée en 12 pages (croquis inclus). La centaine d'autres pages ne porte pas sur mon travail, mais sur des personnes que je connais ou que je connaîtrais et qui m'auraient tenu la plume. Bref, il ne s'agit pas d'un livre pour faire avancer le débat, mais au contraire d'une tentative débordante d'imagination pour le bloquer en relayant toutes les rumeurs possibles afin de discréditer celui qui l'a ouvert.

Renversons la question: Qui sont donc Guillaume Dasquié et Jean Guisnel ? Sur quoi se fondent leurs convictions, dont ils revendiquent qu'elles sont antérieures à leur pseudo-enquête ? En 2002, au moment où il publie L'Effroyable mensonge, Guillaume Dasquié venait de se livrer impunément à une extraordinaire manoeuvre d'intoxication. Dans cette période, Jean-Marie Messier, le patron américanophile de Vivendi, voulait discréditer une banque arabe, la SBA, et l'évincer de la place de Paris. Il avait chargé Alain Marsaud (ex-juge anti-terroriste devenu chef de la cellule Renseignement de sa multinationale) de monter un dossier contre cette banque. Marsaud avait engagé le biographe officiel de Charles Pasqua, le franco-étasunien Jean-Charles Brisard, pour conduire l'opération. Vivendi a d'abord essayé les dénonciations calomnieuses auprès de la cellule anti-blanchiment de l'OCDE. Cela n'a pas eu d'effets suffisants. Aussi, lorsque survint le 11 Septembre, la cellule a imaginé d'accuser la SBA d'être ni plus, ni moins que le financier des attentats.

C'est là que Guillaume Dasquié entre en scène. Il met en forme le «rapport confidentiel» de la cellule. Jean-Marie Messier va lui-même porter ce document au président Chirac à l'Élysée, mais celui-ci voit l'intox et ne bouge pas. Alain Marsaud transmet à son ami le juge Van Ruymbeke le «rapport» assorti de faux documents attestant de comptes bancaires joints d'un administrateur de la SBA et d'Oussama Ben Laden qui auraient servis à financer des opérations terroristes. Van Ruymbeke parvient à intégrer ces faux documents dans une procédure. À l'issue de nombreuses perquisitions en Suisse, la baudruche se dégonfle, sans que Marsaud, Van Ruymbecke et compagnie soient poursuivis pour dénonciation calomnieuse.

En désespoir de cause, Dasquié remet le «rapport» à la Mission d'information sur le blanchiment des capitaux en Europe à l'Assemblée nationale. Arnaud Montebourg (un proche de John Negroponte) et Vincent Peillon (un proche du ministère israélien des Affaires étrangères) décident de le placer en annexe du Tome IV de leur rapport, lequel est publié par l'Assemblée nationale. L'Élysée alerte la présidence de l'Assemblée, l'intox est découverte, Montebourg et Peillon font marche arrière, le rapport officiel est retiré de la circulation et mis au pilon.

Non seulement Guillaume Dasquié ne s'est jamais expliqué sur cette manipulation, mais il a rédigé une version expurgée de son document confidentiel et l'a publié avec Jean-Charles Brisard sous le titre Ben Laden, la vérité interdite. Si la SBA n'est plus mise en cause, c'est plus précisément le banquier Khaled Ben Mahfouz qui devient la cible. Au-delà de quelques éléments intéressants, l'ouvrage contient de nombreuses erreurs factuelles, dont 42 intox destinées à discréditer Ben Mahfouz.

L'histoire du «document Vivendi» ne s'arrête pas là. Les assertions de Dasquié & Brisard sont reprises aux États-Unis. D'abord par un groupe de travail du Council on Foreign Relations, dans le rapport Terrorist Financing. Puis et surtout dans Funding Evil par l'égérie néo-conservatrice Rachel Ehrenfeld avec laquelle Brisard tient un blog. Brisard devient enquêteur pour le compte du cabinet Motley Rice LLC qui entend faire payer la famille royale saoudienne pour les attentats du 11 septembre. Au passage, il dénonce calomnieusement Hani et Tariq Ramadan, les accusant d'avoir coordonné des réunions entre le numéro 2 d'Al-Qaïda, Ayman al-Zahwari et l'inspirateur de l'attentat du WTC de 1993, Omar Abdel Rahman.

Revenons-en à Guillaume Dasquié, la suite de sa carrière est éclairante. En 2006, il a été imposé par les atlantistes à la rédaction de France 3 comme expert chargé de commenter tout du long l'offensive israélienne au Liban. Il s'y est illustré par des prises de position tranchées en faveur de l'État sioniste et contre la Résistance libanaise. En 2007, il a été mis en cause pour recel de documents Secret-Défense. En perquisitionnant à son domicile on y a trouvé des notes de la DGSE. Selon lui, ces documents étaient indispensables à son travail journalistique. Mais il ne s'agissait pas de notes sur un sujet donné; il s'agissait d'une année complète de notes !

Jean Guisnel a fait preuve de plus de rigueur intellectuelle. C'est un journaliste très compétent en matière de Défense. Il exprime souvent la pensée du courant atlantiste au sein des Armées. Au moment où il co-rédigeait L'Effroyable mensonge, il publiait La Citadelle endormie, une excellente critique des services US. Il y reprend sans variation notable le discours dominant du moment à Washington : les services de renseignement US sont devenus une bureaucratie qui étouffe les compétences. Il n'est donc pas étonnant qu'ils aient été pris de surprise le 11 Septembre, etc.

En 2003, j'ai rencontré un haut responsable d'un service de renseignement du Proche-Orient. Il m'assura que la commande de L'Effroyable mensonge avait été passée à Guisnel par un diplomate de l'ambassade d'Israël à Paris. Puis, il poursuivit, narquois, disant que Guisnel avait été payé à bas prix et qu'il l'avait «racheté». Ce Monsieur se flatta de lui avoir fait signer un livre écrit par son service qui serait publié prochainement. Je n'avais aucune raison de croire ce qui m'était rapporté. Cependant, quelques semaines plus tard, Jean Guisnel publia Délires à Washington. C'est une anthologie remarquablement documentée des propos des néo-conservateurs. Il est peu probable que, compte tenu de ses nombreuses occupations, il ait eu le temps pour dénicher tout ça. Il est possible qu'il se soit contenté de rédiger l'introduction de chaque chapitre.

Peu importe, ce petit écart n'a pas changé grand chose aux articles que rédige Jean Guisnel. Ni à son comportement. Début 2009, il est intervenu auprès du ministre de la Défense, Hervé Morin, pour faire congédier un éminent professeur du Collège interarmes des armées, Aymeric Chauprade, qui avait eu l'outrecuidance de rappeler dans un livre que, dans de nombreux pays, les états-majors considèrent le 11 Septembre comme un «inside job».


K. et I. : Guillaume Dasquié et Jean Guisnel affirment (page 25 note 2) que vous auriez décliné leurs demandes d'interview entre janvier et mai 2002 et auriez  refusé de présenter les preuves en votre possession comme  vos méthodes d'enquêtes. Est-ce exact ?

T.M. : C'est faux. Ils prétendent cela parce que c'est une nécessité juridique pour eux. Afin d'éviter d'être condamnés pour diffamation, ils assurent être de bonne foi, ne pas avoir voulu nuire et s'être enquis de mon point de vue avant de me mettre en cause.

Voilà ce qui s'est passé. Fin 2001, j'ai demandé à Guillaume, que je connaissais, de le rencontrer à propos de son «rapport» sur Ben Laden. Il m'a reçu à son bureau le 14 décembre. Il m'a à mon tour intoxiqué à propos de la SBA et j'ai repris ses fausses informations dans la première version d'un article sur les finances de Ben Laden. Au passage, Guillaume m'a posé des questions sur mon engagement politique au Parti Radical de Gauche et m'a proposé de piger pour Intelligence Online. Je n'ai pas répondu à son offre et nous n'avons plus eu de contact jusqu'à la parution de leur pamphlet.

J'avais des relations très courtoises avec Jean Guisnel qui m'avait présenté à la Garde des sceaux, Marylise Lebranchu lors des débats sur la prescription de presse sur Internet. Jean m'a effectivement demandé un rendez-vous à propos de mon livre. L'un et l'autre nous avions plusieurs déplacements prévus de sorte que nous sommes convenus d'une date ultérieure. Mais il a avancé la publication de son pamphlet, rédigé à la va-vite, ainsi à la date convenue, il était trop tard.

Si j'avais été interrogé sur mes méthodes de travail, j'aurais répondu sans problème, mais je n'aurais pas livré le nom de mes collaborateurs et de mes informateurs étrangers ainsi que m'en fait obligation la Charte de Munich. Quand aux preuves en ma possession, ce sont des documents référencés dans le livre. Il suffisait de le lire.


K. et I. : Je me rappelle d'un débat organisé en septembre 2002 par Radio Ici et Maintenant, à l'occasion de la sortie du Pentagate. Monsieur Guisnel avait refusé d'y participer, arguant que vous seriez "une personne malhonnête" et qu'il  ne souhaitait pas débattre avec vous.

T. M. : En quoi serais-je malhonnête ? Ni Guillaume Dasquié, ni Jean Guisnel n'ont accepté de débattre en public et en direct avec moi depuis qu'ils m'ont pris à partie. Ce n'est pas faute de leur avoir fait des propositions.

Compte tenu de l'interdiction qui a été prononcée par le Conseil national de l'audiovisuel pour empêcher les médias audiovisuels de me donner la parole, une confrontation avec Dasquié et Guisnel n'est plus possible à la télévision française. Mais elle pourrait avoir lieu en terrain neutre, à la Télévision suisse romande par exemple.

   
K. et I. : Nous avons à plusieurs reprises contacté Guillaume Dasquié et Jean Guisnel pour obtenir des éclaircissement sur leur propre enquête de terrain et les expertises conduites avec Jacques Rolland, François Grangier et Jean-Vincent Brisset� Nos courriers sont malheureusement restés sans réponse.

T.M. : C'est bien normal. Ils n'ont jamais fait d'enquête et n'avaient pas besoin d'en faire. Leur pamphlet ne porte ni sur les attentats, ni sur la politique étasunienne. C'est une courte diatribe pour m'accuser de ne pas avoir écrit L'Effroyable imposture et de me l'être fait dicter par des gens infréquentables.

Au demeurant, je ne leur reproche pas de ne pas avoir fait ce qu'ils me reprochent de ne pas avoir fait. Il faut bien comprendre qu'il était interdit, à cette époque, de se rendre au Pentagone sur le lieu de l'attentat et d'interroger les témoins. Personne, absolument personne ne l'a fait, car personne n'a été autorisé à le faire. Le magazine allemand Der Spiegel a envoyé une équipe spéciale pendant six mois aux États-Unis, elle n'a eu accès à rien.

Ceci dit, le plus surprenant dans le livre de Dasquié et Guisnel, c'est leur théorie du «piqué horizontal». Selon eux, le Boeing d'American Airlines aurait percuté le Pentagone à l'horizontal, mais avec une force identique à ce qui se serait passé dans le cas d'un piqué vertical. À court d'arguments, ils remettent en cause la gravité.

Je ne sais ce qui est le plus affligeant : la démonstration ou le fait que mes «confrères» aient porté ce livre au pinacle sans le lire.


K. et I. : Toutefois, le général Brisset, l'auteur de la théorie "de l'avion transformé en charge creuse" a  répondu à certaines de nos interrogations.
Il a par exemple admis publiquement qu'aucun élément technique ou factuel, pas même une simple photo, n'avait été mis à sa disposition par les auteurs de L'Effroyable mensonge.

T.M. : Le général Brisset est atlantiste. Il n'avait aucune raison de s'offusquer des raccourcis de Dasquié et Guisnel tant qu'on les présentait comme une récusation définitive de l'hypothèse du complot intérieur. Mais lorsque vous avez mis en évidence que les propos qu'on lui attribuait étaient stupides, il n'a pas voulu devenir la risée de ses collègues. Il s'est alors empressé de vous expliquer que ses propos ne portaient pas sur l'attentat du Pentagone, mais étaient des considérations générales qui ne s'appliquent pas nécessairement au cas considéré.


K. et I. : Notre lettre ouverte s'appuie essentiellement sur les travaux de la Citizen Investigation Team. Cette équipe a rencontré les témoins oculaires de l'attaque du Pentagone pour tenter de mettre fin aux spéculations sur les événements d'Arlington. Leurs découvertes peuvent se résumer ainsi : il y avait bien un avion de ligne volant à basse altitude en direction du Pentagone, mais sur une trajectoire inconciliable avec les dégâts matériels, notamment les fameux lampadaires arrachés et l'orientation diagonale des dégâts entre les anneaux E et C.
Cet avion n'aurait pas frappé mais survolé le bâtiment. Cette hypothèse vous paraît-elle plausible ?

T.M. : Permettez-moi d'abord une remarque latérale. Il y avait des lampadaires au sol, mais il ne faut pas en conclure trop vite qu'ils ont été renversés ou sectionnés par un aéronef. Certains de ces lampadaires avaient été démontés les jours précédents pour révision. Certains peuvent avoir été soufflés par l'explosion.

Allons au sujet. Quantité de gens ont témoigné avoir vu ou entendu cet avion. Ce n'est pas nouveau. L'apport de la Citizen Investigation Team, c'est d'avoir reconstitué son trajet et d'avoir montré qu'il ne s'est pas écrasé, n'a pas été abattu et a poursuivi sa route sans encombre.

Ceci soulève deux questions. D'abord, cet avion est entré dans un espace aérien protégé sans être détruit. Ensuite, je ne peux m'empêcher de penser à cette dépêche étonnante de l'AFP : «URGENT Un avion se dirige vers le Pentagone». Comment «un responsable du FBI» pouvait-il savoir qu'un avion se dirigeait vers cette cible, plutôt que vers une autre à Washington ?


K. et I. :La thèse du survol et de la fuite (the flyover/flyaway theory) défendue par le CIT ne serait-elle pas la seule explication capable d'accorder les faits matériels aux témoignages ?

T.M. : Cette question ne s'est jamais posée. D'une part parce que personne n'a jamais contesté que des gens aient vu un avion à proximité du Pentagone, d'autre part parce que les contradictions ne sont pas entre une théorie et des témoignages, mais entre les différents témoignages. Pour faire vite : Donald Rumsfeld est entré en complet veston au coeur de la fournaise et a vu des débris de Boeing calcinés. Il en est ressorti très choqué, mais sa chemise toujours aussi propre. Les pompiers sont entrés au coeur de la fournaise grâce à leurs combinaisons amiantées et ils n'ont pas vu de débris d'avion, ni de trace de kérosène. Qui dit vrai ?


K. et I. : Vous ne développiez pas de théories alternatives dans L'Effroyable imposture. Après avoir envisagé l'explosion d'un camion piégé, garé face au mur d'enceinte ouest du Pentagone, vous êtes rapidement passé à la thèse du missile. Pouvez-vous nous expliquer ce revirement ?

T.M. : Savoir comment avait été perpétré l'attentat du Pentagone ne m'intéressait pas. Cela m'indiffère encore aujourd'hui et je dois me forcer pour en parler. Le sujet de mon étude, c'était de comprendre comment l'interprétation mensongère du 11 Septembre avait pu servir à suspendre les libertés fondamentales aux États-Unis, à s'emparer de l'Afghanistan et à préparer l'invasion de l'Irak.

L'Effroyable imposture est un ouvrage de sciences politiques destiné au grand public. Il est inscrit au programme des étudiants de grandes universités en Argentine, aux Émirats ou en Russie. Il ne traite pas des attentats du 11 Septembre, mais la première partie du livre démontre l'incohérence de la version gouvernementale et l'impossibilité de l'utiliser en droit international pour justifier ce qui a suivi.

Rétrospectivement, on a trouvé quatre erreurs factuelles dans la première partie, consacrée aux attentats. Au demeurant, elles portent sur des points latéraux et n'altèrent pas la validité de mon analyse. Aucune erreur n'a été trouvée dans les parties 2 et 3 du livre consacrées à la politique intérieure et extérieure de l'Empire.

Je ne m'intéressais pas au détail de l'attentat du Pentagone. J'ai simplement relevé que des agences de presse avaient évoqué un camion piégé et, au vu d'une première documentation, mon ami Pierre-Henri Bunel m'a certifié que cette hypothèse était plausible. Comme la polémique prenait de l'ampleur, nous avons cherché à en savoir plus. C'est le commandant Bunel, un expert reconnu ainsi qu'en attestent ses états de service, qui a émis l'hypothèse du missile lorsque CNN a diffusé cinq photos de l'attentat. Nous avons travaillé sur cette hypothèse et constaté qu'elle était la plus probable. Puis, j'ai obtenu des renseignements qui m'ont conforté dans cette direction. Là encore, personne n'a contesté sérieusement l'expertise de Pierre-Henri Bunel publiée dans Le Pentagate. Par contre, un nouveau torrent de boue a coulé sur lui. On a rappelé qu'il avait été jugé et condamné pour espionnage. Et on a caché qu'il avait été arrêté par l'OTAN, puis récupéré par la France et condamné à une peine mineure, selon l'usage lorsque l'on récupère un agent que l'on avait envoyé espionner des « alliés ». Ce que l'on a reproché au commandant Bunel devrait au contraire être considéré comme un glorieux fait d'armes si l'on en croit le jugement du général Michel Roquejeoffre qui n'a cessé de lui témoigner son amitié et son respect.

J'ai réservé notre hypothèse du missile aux ambassadeurs de la Ligue arabe auxquels je me suis adressé lors d'une conférence à Abu Dhabi organisée par le cheik Zayed, président des Émirats arabes unis. Ce fut un moment crucial. À ce moment là, tous les gouvernements arabes, y compris les plus proches des États-Unis, ont révisé leur position politique.

Sur cette lancée, alors même que je ne disposais d'aucun titre, ni mandat, j'ai réussi à rencontrer de nombreux dirigeants politiques et militaires dans le monde, à leur exposer mon travail et mes analyses et en définitive à les dissuader de soutenir la politique belliqueuse des Anglo-saxons qui s'apprêtaient à mettre tout le Proche-Orient à feu et à sang.

Pour terminer de répondre à votre question, ce n'est pas à nous d'établir ce qui s'est passé le 11 Septembre, c'est aux États-Unis, qui ont affirmé au Conseil de sécurité avoir été l'objet d'une agression extérieure, d'en faire la preuve. Concernant l'attentat survenu au Pentagone, ils nous ont raconté qu'il avait été commis en détournant le vol AA77. Le seul argument qui nous est présenté pour étayer cette version, c'est que cet avion a disparu avec ses occupants. Or, rien ne permet de lier cette disparition à l'attentat du Pentagone. D'ailleurs, la compagnie American Airlines a fait jouer la clause "disparition" du contrat d'assurance et non pas la clause "crash".

D'autres éléments ont été évoqués pour relier le vol AA77 au Pentagone. Le 2 avril 2002, le FBI, dans un communiqué dénonçant l'indécence de mon livre, a affirmé avoir décrypté une des boîtes noires et avoir retrouvé de nombreuses pièces de l'appareil portant les numéros de série de Boeing. On a évoqué un hangar où les pièces retrouvées étaient stockées pour reconstituer partiellement l'appareil. Sept ans plus tard, il n'est plus question du hangar ni de son contenu.


K. et I. : Les 5 images rendues publiques en mars 2002 par le Departement Of Defense sont une sorte de "Test de Rorschach", chacun pouvant  y voir ce qu'il souhaite y trouver (Boeing ou missile)
La  principale conséquence de cette vidéo fut d'accréditer l'impact d'un "objet volant" contre la façade du Pentagone. Le mouvement sceptique ne serait-il pas tombé dans le piège d'une opération de désinformation destinée à éloigner les critiques du véritable modus operandi de l'opération ?
Je crois que ces 5 images furent d'ailleurs publiées le jour même de la sortie de L'Effroyable imposture.

T.M. : Cette affaire est une opération de propagande mal calculée. Effectivement les photos ont été publiées par le DoD, lors de la publication de L'Effroyable imposture. Des auteurs étasuniens avaient caricaturé dans leur presse mon travail sur le Net en affirmant que je niais l'attentat du Pentagone. Auto-intoxiqués, ils ont cru qu'ils me cloueraient le bec en diffusant des photos de l'attentat. L'effet a été inverse. Chacun peut constater que ces images montrent une explosion, mais qu'on n'y voit pas d'avion.

Au demeurant, je n'ai pas changé d'avis. Aujourd'hui, l'hypothèse du missile est la seule qui rende compte des faits et soit compatible avec les constations. Elle s'applique à l'explosion principale, celle survenue à neuf heures et demie. Mais nous savons qu'une autre explosion était survenue auparavant, suite à laquelle l'ordre avait été donné d'évacuer partiellement le bâtiment.

Maintenant chacun doit prendre ses responsabilités. Une petite coterie (Pascal Bruckner, André Glucksman, Pierre Rigoulot, Élisabeth Schemla, Pierre-André Taguieff, Philippe Val et quelques autres) accuse les sceptiques de promouvoir une interprétation des faits qui endorme la vigilance de nos concitoyens en minimisant le péril islamique. Dont acte. Pour ma part, je ne pense effectivement pas que la civilisation occidentale soit menacée par quelques barbus fanatiques. A contrario, je vous invite à considérer que les intellectuels qui prétendent, sans aucun élément matériel pour l'étayer, qu'un avion détourné s'est écrasé sur le Pentagone collaborent idéologiquement aux développements impérialistes au Grand Moyen-Orient. Ils portent leur part de responsabilité dans une politique qui a déjà causé la mort de plus d'un million de personnes.




Si vous souhaitez reproduire cette interview, veuillez vous reporter à nos C.G.U.



23/11/2009
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